Josefov - ville citadelle érigée dans la tradition de Vauban

La citadelle de Josefov

Situé dans la région de Hradec Králové, à une centaine de kilomètres à l'est de Prague, Josefov est l'une des rares villes tchèques édifiée comme une citadelle. Destinée à protéger la frontière nord de l'Empire austro-hongrois contre la Prusse au XVIIIe siècle, la citadelle de Josefov a été conçue dans la tradition de Vauban, architecte militaire qui a doté la France d'un système de citadelles dont douze d’entre elles ont été classées par l'UNESCO en 2008. Outre les bâtiments des anciennes casernes de style Empire, le labyrinthe souterrain constitue la principale attraction pour les touristes qui se rendent à Josefov aussi pour assister aux reconstitutions de batailles historiques.

La citadelle de Josefov

Edifiée entre 1780 et 1787, la citadelle de Josefov n'a presque pas changé depuis : la même église de l'Assomption se dresse sur la place centrale entourée de bâtiments servant de casernes, d'hôpital et d'armureries. Aujourd'hui encore, les armoiries de l'Autriche marquent le siège de l'ancien commandement. Le complexe frappe par sa monumentalité. L'aspect sobre des bâtiments est compensé par le style Empire conservé sans interventions ultérieures, raconte notre guide, David Doubrava :

La forteresse de Josefov,  photo: Petr1888,  CC BY-SA 3.0 Unported

« Josefov a été fondé le 3 octobre 1780 par l'empereur Joseph II. Après la perte de vastes territoires en Silésie dans les guerres avec le roi de Prusse Frédéric II, l'impératrice Marie-Thérèse, mère de Joseph, décide d'édifier deux grandes forteresses pour protéger la nouvelle frontière nord-est de la Bohême : l'une est baptisée en son honneur Theresienstadt – Terezín en tchèque, tandis que la seconde porte le nom de son fondateur, Josephstadt, l’actuel Josefov. »

Josefov

La ville fortifiée de Josefov est un complexe s'étendant sur 266 hectares. Par son caractère, elle ressemble non seulement à Terezín, mais aussi à d'autres villes d'Europe du même type comme Neuf-Brisach et Mont-Louis en France ou Königstein en Allemagne. Conçue selon le modèle des ouvrages de Sébastien Le Prestre, marquis de Vauban, la citadelle de Josefov porte d'autres empreintes françaises encore, comme l'observe David Doubrava :

« Elle a été construite sur les plans d'un Français, Claude-Benoît Duhamel de Querlonde, ingénieur militaire et officier au service de l'Empire austro-hongrois. Ses plans s'appuyaient justement sur l'éminent architecte de forteresses baroques Vauban. Ainsi donc, Josefov est conçu selon la tradition de Vauban et selon les doctrines du génie militaire français du XVIIIe siècle. »

La plaque commémorative dédiée à Claude-Benoît Duhamel de Querlonde,  photo: Ivo Šťastný / Spolek pro vojenská pietní místa

Une plaque commémorative à l'entrée du musée retraçant l'histoire du site est d'ailleurs dédiée à l'auteur du projet de Josefov, Claude-Benoît Duhamel de Querlonde. En sept ans, il a bâti au-dessus du confluent des rivières Elbe et Metuje un puissant système bastionné, le plus moderne à l'époque dans l'empire. Les cours d'eau ont été intégrés au système de défense permettant d'inonder, en cas de besoin, de grandes surfaces et ainsi de protéger les bâtiments. L'accès au pont situé au-dessus de l'Elbe était protégé par des remparts en forme de couronnes, malheureusement partiellement disparues aujourd'hui. Les huit bastions donnaient une forme octogonale à la citadelle et formaient des remparts extérieurs en briques.

En écoutant notre guide, nous sommes frappés par la terminologie spécifique empruntée au français et entrée dans l'usage lorsqu'on parle de fortifications : ainsi, plus de 200 mots d'origine française ont enrichi le tchèque, comme la contre-escarpe, le glacis, le bastion, le ravelin, le retranchement, le déblai.

La construction de la fortification est achevée en 1787. Les casemates que recelaient dans leurs entrailles presque tous les bâtiments servaient d'abri aux défenseurs et comme lieux sûrs pour stocker les réserves d'aliments et de poudre. Jusqu'à 12 000 soldats et civils pouvaient s’y réfugier.

Kasárna,  photo: Petr1888,  CC BY-SA 3.0 Unported

Ironie du sort, la ville de Josefov n'a jamais été assiégée. Mobilisée une première fois, inutilement, pendant les guerres napoléoniennes, elle n’a été le théâtre d’aucun conflit et n'a finalement servi à rien dans la guerre contre la Prusse :

« En 1866, la citadelle s’est retrouvée en état de siège. Mais les 100 000 soldats prussiens sont finalement passés à quatre kilomètres au nord de Josefov pour affronter l'armée autrichienne dans les environs de Hradec Králové, où la bataille décisive a été livrée le 3 juillet 1866. »

L'hôpital militaire,  photo: Petr1888,  CC BY-SA 3.0 Unported

L’Autriche battue, les fortifications servent alors d'hôpital militaire. En 1888, Josefov perd le statut de ville fortifiée. L'armée y reviendra toutefois plus tard : pendant la Première Guerre mondiale, Josefov est transformé en un grand camp de prisonniers russes, polonais, serbes, ukrainiens et italiens.

Le cimetière militaire à Josefov,  photo: Petr1888,  CC BY-SA 3.0 Unported

Un cimetière militaire se trouve aujourd'hui encore dans l'ancienne forteresse. A l’intérieur se trouve une fosse commune dans laquelle sont ensevelis des soldats français, comme on peut le lire sur une plaque commémorative : « Ici, loin de la patrie, ont été enterrés 1 148 soldats français, prisonniers de la bataille de Leipzig en 1813. »

Lors de l'occupation nazie, les Allemands tiennent garnison à Josefov. Après 1968, l'armée soviétique, qui occupe à son tour la Tchécoslovaquie, s’installe dans les casernes locales et y restera jusqu'en 1991.

Le labyrinthe souterrain de la forteresse,  photo: Site officiel de Pevnost Josefov

Une bougie à la main, nous descendons à l'intérieur de la forteresse, au bastion n° 1, point de départ d'un circuit de visites. Dix kilomètres de couloirs sont actuellement accessibles au public, soit près du quart de la longueur totale des galeries souterraines, comme le rappelle David Doubrava:

« Le labyrinthe souterrain de la forteresse mesurait 45 000 mètres. Une tranchée longeait la galerie principale de tir subdivisée en galeries à mines qui se divisaient ensuite en tranchées de tirs. Les 762 galeries à mines qui s'y trouvaient devaient permettre aux mineurs de liquider les ennemis en faisant exploser la terre sous leurs pieds. Ces galeries peuvent en quelque sorte être considérées comme les premières mines terrestres. »

Le labyrinthe souterrain attire chaque année des milliers de touristes. Créée en 2001, la société Retrachement, qui réunit des amateurs d'histoire militaire, propose des reconstitutions des manœuvres des unités autrichiennes et prussiennes en uniformes historiques.

Une autre société, celle des Défenseurs des monuments de la citadelle de Josefov, poursuit, elle, depuis plus de vingt ans des travaux de rénovation et d'entretien d'un important secteur des fortifications appelé Ravelin XIV. C'est grâce à leurs membres qu'une exposition permanente d’objets historiques liés aux combats mais aussi d'usage quotidien est ouverte au public.

A la fin du XIXe siècle, le site a été endommagé et des pans entiers de la ville ont disparu. Il n'empêche que les qualités urbanistiques et architectoniques unies et homogènes de Josefov lui ont valu en 1971 d’être inscrit sur la liste nationale des monuments historiques.


Rediffusion du 20/02/2014

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