Une visite du château de Kynzvart où les cultures française, allemande etautres européennes se rencontraient

Le château de Kynzvart

Puisque le mois de décembre est placé sous le signe de Napoléon, dont nous commémorons le bicentenaire de sa victoire brillante à Slavkov - Austerlitz, en Moravie du Sud, nous allons partir, cette fois, sur ses traces, et plus précisément sur celles qu'il a laissées à l'ouest de la Bohême, au château de Kynzvart.

Le château de Kynzvart | Photo:  Ivana Vonderková,  Radio Prague Int.
La silhouette blanche et pas très élevée du château de Kynzvart, aux lignes pures et simples de style Empire, est ombragée par des arbres centenaires du grand parc à l'anglaise qui l'entoure. Fermé pendant vingt-cinq ans pour cause de travaux de restauration, le château a rouvert ses portes au public voilà de cela cinq ans. Siège, depuis le début du XIXe siècle, du chancelier autrichien Metternich, il se distingue par ses collections dont la richesse est la plus importante à l'ouest de Prague, ainsi que par l'installation authentique de celles-ci. Les objets qu'il abrite sont de véritables bijoux : une riche bibliothèque contenant des manuscrits précieux du IXe siècle, des collections de sculptures de marbre, de porcelaine, de meubles, de tableaux, d'armes, une série d'objets personnels de Napoléon, un bureau et un fauteuil du romancier Alexandre Dumas, sans oublier des momies égyptiennes.

Avant de céder la parole à notre guide pour une visite plus détaillée, voici un petit résumé de l'histoire de Kynzvart. Construit à la fin du XVIe siècle, le château a été acquis en 1623 par une vieille faimille rhénane de Metternich en tant que bien confisqué à la noblesse tchèque défaite lors de la Bataille de la Montagne Blanche. Le fait que le château ait été confisqué aux Metternich trois siècles plus tard, en 1945, constitue un paradoxe historique. De cette famille, c'est le prince Klement Wenzel Lothar Johann Nepomuk qui est le plus lié à l'histoire du château. On écoute le guide, Milos Riha :

« Le prince, dont les origines étaient allemandes et qui est devenu le chancelier autrichien, avait son siège estival en Bohême, au château de Kynzvart, et il parlait français. Cela en dit long sur la culture de ce milieu et sur les richesses réunies au château où les cultures allemande, française et autres européennes se rencontraient. On peut dire que Metternich était un véritable Européen de son temps. »

Le château de Kynzvart
C'est dans la mise en scène du chancelier que se déroula, en 1815, à Vienne, le congrès qui décida de la nouvelle organisation de l'Europe et rétablit la paix sur le Vieux Continent après la défaite de Napoléon. La table sur laquelle l'acte final du congrès, la dite Sainte-Alliance, fut signé, Metternich la fit déplacer à Kynzvart. Diplomate habile, Metternich a également usé de tout son talent pour préparer le deuxième mariage de Napoléon. C'est dans le salon bleu de Napoléon que notre guide nous raconte cette histoire :

« Les contacts entre Metternich et Napoléon étaient d'une double nature : en 1810, après le divorce de Napoléon avec Joséphine de Beauharnais, Metternich a préparé le terrain pour le deuxième mariage de Napoléon avec Marie-Louise, fille de l'empereur d'Autriche, François 1er, mariage qui a ouvert la voie au cessez-le-feu entre l'Autriche et Napoléon. Pour cet acte diplomatique brillant, Metternich a été récompensé par l'empereur de l'ordre de la Toison d'or et il a également reçu un don généreux de Napoléon - son buste en marbre de Carrare et un service en porcelaine de Sèvres qui orne la salle à manger du château. Après la mort de Napoléon Bonaparte, Marie-Louise a dédié à Metternich toute une série d'objets personnels de Napoléon qui sont exposés dans les vitrines du salon bleu : les cheveux de Napoléon, le lavabo dans lequel il se lavait lors de son premier exil sur l'île d'Elbe, l'ordre de la Légion d'honneur. Au milieu du XIXe siècle, Metternich a fait établir une liste d'objets napoléoniens, et comme on peut le constater, elle est relativement complète, tous les objets ayant été sauvegardés au château. »

Le chancelier Metternich a également réuni à Kynzvart une bibliothèque unique en son genre, une des plus importantes qui étaient conservées dans les demeures aristocratiques de Bohême. Elle compte plus de 24 000 tomes, 160 manuscrits et 240 incunables. Parmi les exemplaires les plus précieux figurent des fragments des Cinq livres de Moïse du début du IXe siècle, deux lettres écrites de la main de saint Bernard de Clairvaux, le manuscrit de la Chronique de Magdebourg, ou encore un manuscrit du dramaturge espagnol Lopez de Véga. Ces dernières années, quelque 45 000 pages de manuscrits ont été numérisées. Les amateurs d'art peuvent admirer trente-six plastiques en marbre de personnages mythiques et antiques, ainsi qu'un précieux autel réalisé en marbre provenant de la basilique incendiée de Saint-Paul à Rome.

Dans le salon musical, les visiteurs se familiarisent avec les séjours fréquents de Metternich et de son épouse Pauline à Paris, où ils rencontraient artistes, écrivains, musiciens et compositeurs parmi lesquels Richard Wagner et Alexandre Dumas. Les époux Metternich étaient liés d'amitié avec les deux Alexandre Dumas : père et fils, ainsi qu'avec Marie-Alexandre Dumas, femme peintre remarquable. De nombreux objets exposés au cabinet des curiosités du château en fournissent un témoignage, explique Milos Riha:

« En premier lieu, un bureau et un fauteuil d'Alexandre Dumas père et, entre les fenêtres, le moulage posthume de la main droite de Dumas. Sur la planche en bois assez usée du bureau, on peut déchiffrer les signatures authentiques et les notes d'Alexandre Dumas, la devise familiale et quelques strophes écrites de sa main d'une oeuvre jamais publiée, « Roméo et Juliette ». Le cabinet des curiosités abrite plus de 2000 objets authentiques liés à un événement ou à une personnalité importante, ainsi que des curiosités naturelles, orientales, techniques. Ainsi, on y trouve le costume de Metternich qu'il portait à l'âge de quatre ans, la lyre avec une boucle de cheveux de Beethoven, les reliques du héros national d'Espagne, El Cid, ou le livre de prières de Marie-Antoinette dans lequel elle pria avant de se rendre à l'échafaud. Le livre était un don de sa mère, Marie-Thérèse, et une belle histoire est racontée à ce propos : après la mort de Marie-Antoinette, c'est Marie-Louise, épouse de Napoléon Bonaparte, qui hérita du livre, et plus tard, il est devenu le livre préféré de l'impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III. En partant en exil, Eugénie l'a oublié aux Tuileries et Pauline Metternich le lui a amené à Londres pour le recevoir, plus tard, en don, pour les collections du château de Kynzvart. »


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